

Quelles réponses aux nouvelles mesures d'Apple pour la protection des données ?
En mai, Apple a lancé une nouvelle publicité intitulée « Respect de la vie privée. C’est ça l’iPhone », dans laquelle une jeune femme nommée Anna est confrontée à une vente aux enchères façon Sotheby's de ses données personnelles. Elle clôt les enchères d'un simple geste du doigt en activant les fonctionnalités Transparence du suivi par les apps (App Tracking Transparency, ou ATT) et Protection de la confidentialité dans Mail (Mail Privacy Protection, ou MPP) sur son téléphone.
Alors que de nombreux spécialistes des technologies considèrent que cette publicité cible les politiques de Facebook en matière de confidentialité des données, cette campagne constitue en réalité une approche marketing judicieuse. Elle positionne Apple comme une entreprise éthique qui donne aux consommateurs les moyens de protéger leurs données à caractère personnel.
Apple a lancé ces fonctionnalités de confidentialité et de consentement avec les mises à jour d'iOS en 2021. La fonction ATT empêche les entreprises de suivre l'activité des utilisateurs sur des plateformes et des applications tierces ; tandis que la fonction MPP empêche les spécialistes marketing d'accéder aux adresses e-mail de leurs contacts. Ces deux fonctionnalités d'iOS ont changé les règles du jeu du marketing mobile, un marché de plusieurs milliards de dollars sur lequel Apple est un acteur majeur.
Les grandes plateformes comme Facebook ne sont pas les seules à devoir s'adapter à ces nouvelles règles. Elles ont également contraint les spécialistes marketing à repenser leur activité, alors que les dépenses publicitaires sur mobile battent régulièrement de nouveaux records. Selon le cabinet d'analyse Data.ai, ces dépenses atteindront 350 milliards de dollars d'ici à la fin de 2022.

Ces dernières années, les entreprises se sont appuyées sur les données générées par le suivi par des tiers pour mieux cibler la publicité sur mobile. Elles doivent maintenant trouver de nouvelles stratégies pour conquérir des clients potentiels.

Les empreintes digitales sont pointées du doigt
L'exploitation des empreintes digitales n'est pas une stratégie envisageable. Une faille facilement exploitable dans la fonctionnalité ATT d'Apple permet aux spécialistes marketing d'identifier les propriétés uniques d'un appareil mobile (telles que son numéro de série et sa géolocalisation) afin de suivre discrètement l'activité sur l'appareil. Les politiques de confidentialité d'Apple proscrivent la prise d’empreintes digitales - et la pratique elle-même viole les règles du règlement européen sur la protection des données (RGPD) - mais une enquête menée en mars 2021 par le Washington Post en collaboration avec la société de sécurité Lockdown questionne l'application rigoureuse de cette règle par Apple.
En 2022, la Worldwide Developers Conference d'Apple a marqué un tournant dans ce domaine, avec une session intitulée « La prise d'empreintes digitales n'est jamais autorisée », sous-entendant clairement que l'entreprise ne tolérerait plus ce contournement insidieux. Les spécialistes marketing doivent respecter les nouvelles règles d'Apple, a averti la société.
Cette nouvelle approche n’a pas toujours été bien accueillie, notamment par Meta, la société-mère de Facebook. En février, Meta a annoncé avoir perdu 10 milliards de dollars de recettes publicitaires sur Facebook depuis qu'Apple avait déployé ses fonctionnalités de confidentialité, annonce qui a fait plonger son action de 23 % en un jour.

Le géant des réseaux sociaux a accusé Apple d'augmenter ses propres recettes publicitaires aux dépens de ses concurrents, une allégation qui fait actuellement l'objet d'une enquête de la part des autorités allemandes. En avril, Apple a réfuté cette accusation en citant les conclusions d'une étude réalisée par un professeur de la Columbia Business School et financée par Apple.
Dans ce contexte tendu, Meta s'est adaptée aux nouvelles fonctionnalités en procédant à une refonte complète de son infrastructure publicitaire iOS sur Facebook. De nombreuses petites entreprises ont relevé que leurs publicités sur Facebook donnaient de meilleurs résultats, malgré les nouvelles fonctionnalités de confidentialité d'Apple. Même si les raisons de ces bons résultats ne sont pas très claires, cette amélioration pourrait indiquer que certains professionnels du marketing innovent de manière efficace dans ce nouveau contexte.

De nouvelles stratégies pour un marketing mobile réussi
Quelles stratégies les spécialistes du marketing et de la publicité doivent-ils adopter pour tenir compte des nouvelles fonctionnalités de confidentialité d'Apple ?
En voici quatre à considérer :

Adopter le SKADnetwork.
Auparavant, les spécialistes marketing pouvaient optimiser le placement des annonces en utilisant les données générées par l'identifiant pour annonceurs (IDFA), un code utilisé pour identifier les téléphones individuellement. Apple a créé un framework anonymisé pour l'analyse des données, appelé Software Kit for Ad Networks (SKADnetwork), qui protégera l'identité des consommateurs refusant le suivi de l'IDFA. Les spécialistes marketing avisés devront maîtriser le SKADnetwork pour optimiser les dépenses avec des informations moins granulaires et macroscopiques.

Le partage avant tout.
Contraintes de s’appuyer sur les données propriétaires (« first-party data »), les entreprises risquent d’avoir besoin de renforts. Les coopératives de données apparaissent comme une alternative viable pour les organisations qui souhaitent enrichir leurs propres données avec des informations provenant d'ailleurs. Ces coopératives leur permettent de partager les données qu'ils ont recueillies avec leurs pairs, en supposant qu'ils ont le consentement approprié des personnes concernées.
Un autre outil potentiel de partage des données est l'identifiant unique (UID) 2.0, une technologie d'identification qui utilise des identifiants anonymes basés sur des adresses e-mail hachées plutôt que des cookies. Les éditeurs, qui doivent exécuter une passerelle de messagerie pour créer ces UID, peuvent ensuite les partager entre eux.


Moins de données, c'est plus de modélisation.
En passant des données tierces ou « third-party » aux données « first-party », les spécialistes marketing ont moins de données à analyser. Au fil du temps, les spécialistes marketing ont eu de plus en plus recours à des algorithmes pour analyser les données à leur place et orienter leurs dépenses vers des espaces publicitaires ciblés. Ils doivent désormais renoncer aux sources de données externes et lier les sources de données first-party dont ils disposent en interne, tout en utilisant l'IA pour optimiser l'envoi des messages, au bon moment et au bon endroit. Ils doivent investir davantage de temps et d'argent dans l'analyse des données, par exemple la modélisation de la valeur de conversion et la modélisation du mix média, afin de mettre au point des campagnes qui séduiront les consommateurs.

Être plus créatif sur les plateformes mobiles.
Sans l'aide des données granulaires pour cibler les utilisateurs individuellement, les spécialistes marketing vont devoir retrousser leurs manches et faire preuve de créativité. Ils auront besoin d'approches créatives plus engageantes sur les plateformes mobiles, notamment des technologies publicitaires plus innovantes, permettant de diffuser les bons messages aux bons moments. Et ils devront tester ces approches créatives pour déterminer celles qui fonctionnent le mieux sur une période donnée.